dimanche 16 octobre 2016

La science à l'école ?

Voilà maintenant plus d'un mois que les portes des écoles se sont (ré)ouvertes à nos chers bambins pour cette année 2016-2017. Si pour certains cela est synonyme de fin de l'été et des vacances, c'est avant-tout le retour à un apprentissage assidu et quotidien. Longtemps on résumait les objectifs de l'école à la devise ''apprendre à lire, écrire et compter'', comme s'ils constituaient des clés suffisantes à la formation d'individus libres et éclairés, occultant totalement les notions d'épanouissement personnel, de connaissance de l'Autre, et de découverte de l'environnement au sens large. La science, jusqu'au milieu des années 90, ne constituaient qu'une fraction infime des enseignements à l'école Primaire. En 1996, selon le Ministère de l'Education Nationale, moins de 5% des classes primaires proposaient des cours de science aux enfants.
Mais après-tout, y a-t-il une quelconque raison valable d'enseigner la science aux enfants ? N'est-elle pas réservée à une élite d'intellectuels, à des personnes à l'intellect sur-développé capable de résoudre les mystères insolubles de l'infiniment grand ou l'infiniment petit, des équations mathématiques complexes, de la manipulation génétique, des neurosciences ? L'apprentissage des sciences est un travail de longue haleine mais nul besoin de devenir spécialiste. Il ne s'agit pas uniquement de cumuler des connaissances pointues mais simplement de s'imprégner d'une véritable culture commune. Voici à mon sens les raisons pour lesquelles, premièrement les sciences doivent être enseignées, et deuxièmement à un âge des plus précoces, celui où l'enfant questionne, s'interroge et découvre le monde.

La raison probablement la plus évidente à l'enseignement des sciences est l'ouverture de l'enfant sur le monde et sur lui-même. La science est une ''paire de lunettes'' permettant de voir le monde sous un certain angle. Ce n'est bien sûr pas le seul moyen de l'aborder, mais c'est en tout cas le moyen le plus rationnel. Il n'est pas question de soustraire à l'apprentissage de l'enfant l'émotion, l'humanisme, la créativité, les arts, qui de toute façon ne sont pas nécessairement opposés à une vision du monde à travers les sciences, mais plutôt de se familiariser avec son environnement et avec un monde de plus en plus scientifique et technique. Cette ouverture sur le monde amène nécessairement à la découverte de l'Autre, de la différence : l'autre en tant qu'individu, en tant qu'être vivant, ou en tant que matière. Connaître les autres amène à les comprendre et à les accepter, à définir sa propre identité et sa place dans le monde.
L'acquisition de connaissances brutes n'est cependant pas suffisante. Il est nécessaire d'intégrer ces connaissances au sein d'une véritable culture scientifique commune. Un socle commun de connaissances fondamentales doit être défini et intégré dans l'enseignement global. Il est ridicule d'imaginer l'enseignement des sciences déconnecté de toute autre discipline. L'intégration des connaissances scientifiques dans divers contextes et la création de liens avec d'autres domaines variés, en d'autres termes la multidisciplinarité, sont nécessaires à l'élaboration d'une culture scientifique cohérente et pertinente. Elle doit permettre d'aborder sereinement et de comprendre les grands enjeux du XXIe siècle. Ce monde scientifique et technique dans lequel nous vivons pose un certain nombre de questions dont il est important de sensibiliser progressivement les enfants. Cela afin de leur permettre de prendre des décisions pertinentes en toute connaissance de cause dans leurs futures vies d'adultes.
George Charpak
Prix Nobel de physique en 1992 

Ces quelques éléments de réponse à la question ''pourquoi ?'' ne nous renseignent pas sur le ''comment ?''. À cela, des messieurs comme Georges Charpak (Prix Nobel de physique en 1992), Pierre Léna et Yves Quéré, tous membres de l'Académie des sciences, ont apporté leurs réponses à travers la fondation La main à la pâte dont je parlerai un petit peu plus tard. Pour eux, l'enseignement des sciences ne peut se faire que par le questionnement, la formulation d'hypothèses et l’expérimentation. Aucune raison de considérer l'enfant comme une coquille vide que l'on emplit de connaissances brutes mais bien comme un acteur de son apprentissage. Tout débute par le questionnement, point de départ de toute recherche scientifique. Laisser se développer la curiosité de l'enfant est la clé d'un apprentissage réussi. Le professeur n'est plus là pour donner les réponses, l'enseignement n'est plus vertical. Le questionnement débouche sur la formulation des hypothèses à travers lesquelles l'enfant s'exprime, laisse place à son imagination parfois trop sous-estimée chez les scientifiques. Enfin, les hypothèses formulées, il est temps de les vérifier. Pour cela, un seul moyen : entamer une conversation avec la nature, car c'est elle qui détient et transmet les réponses, à travers l'expérimentation. Celle-ci doit rester la plus simple possible, la plus tangible : pas question d'utiliser des oscilloscopes, microscopes ou voltmètres ; l'instrumentation doit se limiter à de la ficelle et un poids (pour un pendule), de l'eau et du sucre (pour la dissolution), etc. L'enfant doit rester dans un univers familier pour se sentir en confiance. Selon Yves Quéré, la science et l'expérimentation constituent un langage qui permet de communiquer avec la nature et qui se mêle à notre langage quotidien. Pour le développer, il est nécessaire que l'enfant tienne un cahier d'expériences qu'il rédige avec ses propres mots petit à petit au fil des expériences. La description des choses reposent sur la science et on compte sur elle pour nous dicter les événements futurs. On formule alors des phrases qui se révèlent universelles dans l'espace et le temps (''si je lâche un pomme, elle tombe.''). La science exige donc un vocabulaire, un lexique et une syntaxe précis que l'enfant pourra maîtriser. L'enseignement doit porter sur des thèmes combinant mathématiques, physique, biologie mais aussi éthique, histoire, géographie, langues et ainsi se créent des liens, des connexions, des relations constituant une culture à part entière.

Pour finir, quelques mots sur la fondation La main à la pâte qui m'a inspiré cette article et m'a poussé à étudier le sujet. Elle a été fondée en 2011 par l'Académie des sciences, l'École normale supérieure de Paris et l'École normale supérieure de Lyon, et s'inscrit dans la continuité de l'opération du même nom initiée en 1995 par George Charpak. Son objectif vise à faire découvrir aux élèves les sciences de manière vivante et accessible, favoriser leur épanouissement, lutter contre les inégalités et renforcer le vivre ensemble. La fondation s'adresse prioritairement aux enseignants et à leurs formateurs dont elle enrichit et valorise les initiatives en France et à l'étranger. La vision de La main à la pâte est claire, elle cherche à promouvoir : une science vivante, une science pour tous, une science pour vivre ensemble.


Source: 


  • École normale supérieure, Académie des sciences, École normale supérieure de Lyon (site consulté en octobre 2016). Fondation La main à la pâte. Adresse URL : http://www.fondation-lamap.org/fr


  • Yves Quéré, Pourquoi et comment enseigner les sciences aux enfants, conférence donnée dans le cadre des Mardis de l'Espace des sciences, 20 octobre 2009.