On y est ! L'été a enfin pointé le bout de
son nez, et le soleil aussi... enfin on espère. L'occasion pour moi
de vous parler d'une organe dont vous n'avez peut-être même pas
idée du rôle considérable qu'il joue : la peau !
Notre enveloppe charnelle, composée de quelques
2000 milliards de cellules, est l'organe le plus lourd du corps
humain : environ 5 Kg pour un homme adulte. Si on étalait la
totalité de sa surface au sol, notre peau recouvrirait une surface
moyenne de 2 m2. Le premier rôle de notre peau est bien
sûr de constituer un bouclier de défense contre le milieu extérieur
mais aussi de retenir à l'intérieur de notre organisme l'eau et les
électrolytes qu'il contient. Mais ce n'est pas tout ! Au delà
d'autres fonctions physiologiques que j'aurai à cœur de décrire
plus tard, la peau possède une forte fonction
identitaire. C'est l'organe que l'on voit dans le miroir, celui que
l'on montre aux autres et celui qui définit notre identité sociale
et ethnique aux yeux des autres. Un organe aux multiples facettes,
d'une complexité surprenante et soumis quotidiennement à de
multiples agressions.
De quoi est constituée notre peau et quelles sont
ses fonctions ? C'est ce que je vais humblement essayer de vous
expliquer dans une suite d'articles rédigés par mes soins. On commence aujourd'hui par une petite mais efficace
présentation des principales cellules qui constituent notre peau.
LES CELLULES DE LA PEAU.
I. Les kératinocytes : véritables briques d'un mur imperméable.
Les kératinocytes sont les cellules les plus abondantes de l'épiderme, ils représentent en effet 80% de la totalité des cellules le composant. Ils doivent leur nom à leur cytosquelette (le squelette cellulaire) composé de tonofilaments, filaments intermédiaires de 10 nm de diamètre constitués de kératines.
Naissant par mitose au niveau de la couche la plus profonde de l'épiderme (la couche basale), ils migrent ensuite vers la surface et se différencient. Cette différenciation les conduit à perdre leur noyau et tous leurs organites par apoptose à mesure qu'ils approchent de la surface, aboutissant ainsi à un véritable mur de briques constitué de cadavres cellulaires totalement kératinisés : les cornéocytes.
Ils assurent trois grandes fonctions primordiales : la cohésion de l'épiderme par l'existence de jonctions d'ancrage qui relient le cytosquelette de deux cellules adjacentes ou bien le cytosquelette d'une cellule avec la matrice extra-cellulaire ; la formation d'une barrière entre le monde extérieur et le monde intérieur par l'existence de jonctions étanches au niveau apical des cellules et enfin la protection contre les radiations lumineuses grâce aux mélanosomes contenant les pigments de mélanines.
Ils sont également responsables de la synthèse de lipides polaires, de protéines et d'enzymes, concentrés dans les kératinosomes et secrétés ensuite par exocytose. Ils forment ainsi un véritable ciment intercellulaire.
II. Les mélanocytes : quand notre peau gagne des couleurs.
Les mélanocytes sont les usines de la peau dédiées
à la fabrication d'un pigment : la mélanine. Celle-ci est
synthétisée via des cascades enzymatiques à partir de la tyrosine
(un acide aminée). Il existe deux types de mélanine :
l'eumélanine (noire, brune) la plus répandue et photoprotectrice,
et la phéomélanine (rouge et jaune) présente notamment chez les
personnes rousses. L'ensemble de ces pigments est synthétisé et
concentré au sein d'une multitude d'organites intra-cellulaires
appelés mélanosomes.
Ces mélanosomes, et la cargaison qu'ils
transportent, vont tout d'abord migrer vers les extrémités des
dendrites puis être ensuite transférés aux kératinocytes via des
mécanismes encore mal élucidés : exocytose, phagocytose ?
Le rôle des mélanocytes et des pigments qu'ils
synthétisent est bien sûr la protection contre les rayonnements
visible et ultra-violet. La mélanine est en effet capable d'absorber
le rayonnement lumineux dans cette gamme de longueurs d'onde. Le
phototype cutané, ou couleur de peau, ne dépend pas du nombre de
mélanocytes (sensiblement le même chez tous les adultes) mais bien
de la nature et de la quantité de pigments synthétisés.
On sait aujourd'hui qu'elles dérivent d'une cellule
souche hématopoïétique au cœur de la moelle osseuse et qu'elles
migrent ensuite vers le tissu cutané. Les cellules de Langerhans
sont des cellules présentatrices de l'antigène (CPA) professionnelles. Elles sont
capables de reconnaître des antigènes issus de pathogènes
(bactéries, virus, champignons) via des récepteurs membranaires
(TLR, lectines, récepteurs au
fragment Fc des immunoglobulines, récepteur du complément) et de
les internaliser ensuite par différents mécanismes :
endocytose, macropinocytose et phagocytose. Une fois internalisés,
les antigènes sont dégradés par des protéases en peptides d'une
vingtaine d'acides aminés qui seront ensuite liés à un complexe
moléculaire appelé : CMH de classe II (Complexe Majeur
d'Histocompatibilité). L'ensemble du complexe moléculaire CMH II / antigène
est ensuite exprimé à la surface de la cellule.
Une fois activée, la cellule de Langerhans va
migrer vers les zones T des organes lymphoïdes secondaires sous
l'influence de chémiokines et présenter l'antigène apprêté à
des lymphocytes T naïfs pour activation de la réponse immunitaire
(synthèse d'Il-12, induction d'une réponse de type Th1).
Mélanocytes humains observés au microscope électronique à transmission. A droite, détail sur les mélanosomes. (crédit photo : http://biologiedelapeau.fr) |
III. Les cellules immunitaires : la police des frontières.
L'épiderme assure une fonction de défense face aux
micro-organismes potentiellement pathogènes de l'environnement,
c'est la raison pour laquelle il contient un contingent de cellules
immunitaires dont la plus étudiée est la fameuse cellule de
Langerhans.
Initialement
découvertes par Paul Langerhans en 1868, on leur attribua d'abord un rôle de
neurones intra-épidermiques. Elles représentent 3 à 8% des
cellules de l'épiderme. Ce sont des cellules étoilées, présentant
de nombreuses extensions cytoplasmiques, d'où leur appellation de
cellules dendritiques et forment au sein de la peau un réseau dense.
En microscopie électronique, elles sont reconnaissables par
l'existence d'organites en forme de raquette de tennis appelés
granules de Birbeck.
Cellule de Langherans observée en ME à transmission. (crédit photo : http://biologiedelapeau.fr) |
Détail d'un granule de Birbeck obrservé dans une cellule de Langherans en ME à transmission. (crédit photo : http://biologiedelapeau.fr) |
La cellule de Langerhans constitue donc l'un des
premiers remparts en terme d'immunité face aux agressions
microbiologiques. Elle n'est évidemment pas la seule, on retrouve également au sein du derme, d'autres cellules de l'immunité comme
des cellules dendritiques (ne contenant pas de granules de Birbeck)
et des lymphocytes.
IV. Les cellules de Merkel : la sensibilité à fleur de peau.
Situées au niveau de la lame basale de l'épiderme,
les cellules de Merkel apparaissent en microscopie électronique
comme étant plus claires et plus petites que les kératinocytes.
Leur noyau est plurilobé, volumineux et pauvre en nucléoles. Elles
possèdent, elles-aussi, de nombreux prolongements cytoplasmiques de
plusieurs micromètres de long mais ce qui les caractérisent est la
présence dans leur cytoplasme de nombreux granules sécrétoires
localisés face aux terminaisons de neurones situés dans le derme
(pôle basal). Leur origine est encore controversée, elle pourrait
être épidermique et/ou neuronale.
Les cellules de Merkel représentent 0,5 à 5% des
cellules de l'épiderme mais leur proportion varie en fonction de
l'âge et de la région du corps ; les zones les plus peuplées
étant les zones tactiles de grande sensibilité : lèvres,
muqueuse orale, zones érogènes, où elles sont regroupées en
paquets (clusters) d'une cinquantaine de cellules autour des
terminaisons nerveuses.
Cellule de Merkel observée en ME à transmission. (crédit photo : http://biologiedelapeau.fr) |
Les cellules de Merkel sont des mécanorécepteurs
responsables de la sensation tactile fine. Elles jouent un rôle clé
dans le système neuro-endocrino-immuno-cutané et entrent en contact
via leurs prolongements cytoplasmiques avec les kératinocytes, les
cellules de Langerhans et peuvent établir des synapses avec les
cellules nerveuses sensorielles. Elles sont capables de détecter par
leurs microvillosités les déformations localisées de l'épiderme
et libèrent les neuromédiateurs, qu'elles synthétisent en grand
nombre et concentrent dans les granules sécrétoires, vers les
fibres nerveuses proches.
V. Les cellules du tissu conjonctif : les fibroblastes, travailleurs du BTP et les adipocytes, le garde-manger de l'organisme.
Les fibroblastes sont les principales cellules du
tissu conjonctif. Fusiformes ou étoilées, elles possèdent de longs
prolongements cytoplasmiques. L'abondance des organites impliqués
dans la synthèse des protéines (ribosomes, réticulum endoplasmique
granulaire, appareil de Golgi) témoigne de leur rôle dans la
synthèse et la sécrétion des protéines et polysaccharides
composant la matrice extra-cellulaire du tissu conjonctif (fibres de
collagène et d'élastine) donnant toute sa souplesse et son
élasticité à la peau.
Les adipocytes sont des cellules sphériques,
volumineuses facilement reconnaissables car elles possèdent une
importante vacuole lipidique occupant la presque totalité du volume
cytoplasmique. Le noyau est aplati et refoulé en périphérie contre
la membrane plasmique. Les adipocytes concentrent les graisses au
sein de leurs vacuoles sous forme de triglycérides et représentent
ainsi l'une des plus importantes réserves énergétiques de
l'organisme.
Conclusion
D'un point de vue cellulaire, on peut dors et déjà
constater que la peau est un tissu très riche et complexe constitué
de cellules différenciées et hautement spécialisées. Dans le
prochain article sur le sujet, il me restera à vous montrer comment
toutes ces cellules s'organisent pour former un tissu à la fois
cohérent et fonctionnel.
Étant limité quelque peu par la forme de l'article
qui se veut accessible et relativement succinct, il m'est impossible
de détailler toutes les parties développées précédemment (mais
d'autres sites le font merveilleusement bien). Cependant, si vous
avez des questions sur ce sujet, je me ferai évidemment un plaisir
d'y répondre.
Sources :
Ouvrages :
- POIRIER Jacques, CATALA Martin, ANDRE Jean-Michel, GHERARDI Romain, BERNAUDIN Jean-François. Histologie, Les tissus. Paris : MASSON, 2006, 224p.
- BACH Jean-François, CHATENOUD Lucienne. Immunologie, De la biologie à la clinique. Paris : Médecine-Sciences Flammarion, 2002, 369p.
Articles :
- PROST-SQUARCIONI Catherine. Histologie de la peau et des follicules pileux. Médecine/Sciences, 2006, vol 22, p131-137.
- VALLADEAU Jenny. Les cellules de Langherans. Médecine/Sciences, 2006, vol 22, p144-148.
- DELEVOYE Cédric, GIORDANO Francesca, VAN NIEL Guillaume, RAPOSO Graça. La biogénèse des mélanosomes. Médecine/Sciences, 2006, vol 22, p153-162.
- TESTARD-VAILLANT Philippe. Grand Angle : La peau, une histoire d'âge. Science&santé, 2016, n°31, p20-33.
Sites :
- DEMARCHEZ M. (Site consulté en juillet 2016). Biologie de la peau. [En ligne]. Adresse URL : http://biologiedelapeau.fr/