Éloignons-nous quelque peu de nos horizons rationnels habituels
pour nous consacrer aujourd'hui à un événement beaucoup plus
spirituel et artistique. Ce billet, vous l'aurez peut-être compris,
traitera de musique. Mais pas de panique ! Vous découvrirez par
la suite, qu'avec moi la science ne reste jamais trop éloignée.
Grand amphithéâtre de la Sorbonne. |
Statue de Lavoisier par Dalou. |
L'événement se
produit dans l'une des salles les plus majestueuses que j'ai vues :
le grand amphithéâtre de la Sorbonne. Immédiatement scotché par
la grandeur de cette salle et la richesse de sa décoration, j'ai
passé mon temps d'attente à en scruter les moindres recoins. À
commencer par son imposante et magnifique toile étendue le long de
la scène : Le Bois Sacré (1884-1889)
de Pierre Puvis de Chavannes, représentant une allégorie de la
Sorbonne et des différentes disciplines de lettres, de sciences et
d'arts qui y sont enseignées. Autres particularités, ce sont ces
six niches encerclant l'amphithéâtre dans lesquelles sont sculptées
six statues : les deux fondateurs, Robert de Sorbon et
Richelieu, deux hommes de lettres, Descartes et Rollin et deux hommes
de sciences (tiens, tiens...) Lavoisier et Pascal. Ces sculptures
fantastiquement réelles représentent ces illustres personnages
siégeant à nos côtés comme pour assister à la représentation
qui va suivre. Patienter au sein d'un si beau paysage n'a plus
rien de pénible.
La représentation de ce
soir, intitulé Bach to Paradise,
est un concert de musique, classique mais pas seulement, associant la
Clef des Chants Ensemble, une chorale associative parisienne, pour le
chœur, le McFly Orchestra pour l'orchestre, Guray Basol au piano et
Shi Qiu en ténor solo ; le tout sous la direction de Benoît
Reeves (un nom qui vous dit quelque chose ?). L'introduction est
faite par l'une des jeunes choristes, pas tant intimidée que cela
devant tant de spectateurs, bien que relativement accrochée à ses
fiches. Elle nous présente l'événement, les participants et
l'invité d'honneur qui n'est autre que... Hubert Reeves !
(Chouette ! voilà mon lien avec la science !)
Hubert Reeves. |
Hubert
Reeves, astrophysicien de métier, mélomane, grand vulgarisateur des
sciences, défenseur de l'environnement et de la biodiversité, monte
alors tranquillement sur scène, en toute décontraction. Son
discours est philosophique, émouvant et passionnant. Il s'attache à
imaginer les liens qui unissent musique et astronomie. Selon lui, les
étoiles ne chantent peut-être pas mais elles émettent beaucoup de
bruit ! Un bruit astronomique qu'on ne peut bien heureusement
pas entendre car le vide ne permet pas de le véhiculer. L'univers
est né dans un état de chaos et les éléments issus de ce chaos se
sont peu à peu assemblés et structurés. Les structures ainsi
formées (systèmes solaires, planètes,...) se sont complexifiées
avec le temps pour donner des niveaux de structures incroyablement
complexes comme les organismes vivants. Le cerveau est ainsi le
niveau ultime de complexité. Hubert Reeves décrit cela comme une
pulsion de l'univers à la création. Or, les artistes et en
l’occurrence les musiciens possèdent également cette pulsion de
la création. Beaucoup d'artistes s'étant confrontés à de rudes
obstacles au cous de leur vie (Beethoven devient sourd, Van Gogh
dément) ont continué leur art ; et lorsqu'on leur demande la
raison, ils répondent tous invariablement : ''parce que je ne
peux pas faire autrement !''. Les musiciens et plus généralement
les artistes ajoutent des couleurs, des harmonies, de la beauté au
monde ; peut-être finalement pour prolonger le travail de
l'univers. C'est en cela que l'on peut relier les étoiles et la
musique.
Le discours d'Hubert
Reeves achevé, le spectacle peut commencer. Il est divisé
chronologiquement en deux parties : une première reprenant des
morceaux de musiques classiques et une seconde reprenant des chansons
pop actuelles.
Benoît Reeves. |
Lors de la première
partie se succèdent les œuvres de Bach, Mozart, Vivaldi et Puccini.
Autant dire tout de suite que mes connaissances en musique classique
sont très maigres. J'ai donc accueilli le concert vierge de toute
appréhension ou attente. Ce que j'ai vécu, rarement je l'ai vécu :
une vive émotion dès les premières notes. L'intensité des chœurs
associée à la virtuosité de l'orchestre et bien entendu la
richesse des compositions classiques m'ont convaincu que la musique
classique est un formidable véhicule d'émotions : joie,
tristesse, amour, folie... Je voudrais également manifester toute
mon admiration envers le chef d'orchestre, Benoît Reeves, fils
d'Hubert Reeves qui a mené d'une main de maître le spectacle, qui a
su maintenir la cohésion entre les artistes tout le long de la
soirée et qui s'est particulièrement lâché lors de la seconde
partie.
La seconde partie de
soirée justement, s'est tournée vers la musique plus contemporaine.
La chorale, toujours accompagnée de l'orchestre, a repris les titres
d'artistes célèbres tels que Queen, Coldplay, Adele, Téléphone et
Léonard Cohen ; et l'ambiance a basculé ! Les reprises
étaient énergiques, entraînantes et par définition plus
populaires : point de
bienséance, l'heure était à la fête ! On retiendra l'humour
de la mise en scène sur I want to break free et
l'inventivité de la chorégraphie sur Don't stop me now de
Queen, l'émotion transmise par la chanson Fix You et
les jeux de lumière sur Paradise de
Coldplay et surtout les déhanchés endiablés de Benoît Reeves. On
a chanté, on a dansé, on a claqué des mains, on a tapé des pieds,
on a agité des tiges fluorescentes, bref on s'est éclaté. Le
rappel a été réclamé avec fougue. Ainsi nous ont-ils fait
profiter du dernier morceau de la soirée : Africa du
groupe Toto. Quelques bémols sont tout de même à déclarer selon
moi : tout d'abord, l'absence de pianiste ou claviériste
pendant la seconde partie (alors qu'il était présent pour la partie
classique) alors même qu'une bande-son instrumentale et numérique
était diffusée et contenait des parties jouables au clavier, un
petit manque donc d'authenticité. Autre élément qui me fait bondir
en tant que guitariste, c'est lorsque les soli de guitare sont
purement et simplement retirés des reprises plutôt que réadaptés.
Des désaccords bien mineurs au vue de l'amusement et des émotions
que j'ai ressentis au cours de la soirée.
En
conclusion : beaucoup, beaucoup d'émotions lors de cette belle
soirée. Un spectacle sans prise de tête, qui ne se prend pas au
sérieux mais qui est joué avec un très grand professionnalisme et
beaucoup de talent. La preuve encore une fois que la musique
rassemble et fait vibrer ; qu'on peut aimer à la fois la
musique classique et la pop, que l'ouverture d'esprit permet de se
découvrir de nouvelles passions insoupçonnées et de se découvrir
soi-même un peu plus. Bravo.
La chorale Clef des Chants Ensemble accompagnée de l'orchestre McFly Orchestra. |
Pour les plus curieux :
- http://www.clefdeschants.fr
- http://www.hubertreeves.info/index.html
- http://benoit-reeves.fr
- http://www.sorbonne-universites.fr
- http://www.sorbonne.fr