Voilà
maintenant plus d'un mois que les portes des écoles se sont
(ré)ouvertes à nos chers bambins pour cette année 2016-2017. Si
pour certains cela est synonyme de fin de l'été et des vacances,
c'est avant-tout le retour à un apprentissage assidu et quotidien.
Longtemps on résumait les objectifs de l'école à la devise
''apprendre à lire, écrire et compter'', comme s'ils constituaient
des clés suffisantes à la formation d'individus libres et éclairés,
occultant totalement les notions d'épanouissement personnel, de
connaissance de l'Autre, et de découverte de l'environnement au sens
large. La science, jusqu'au milieu des années 90, ne constituaient
qu'une fraction infime des enseignements à l'école Primaire. En
1996, selon le Ministère de l'Education Nationale, moins de 5% des
classes primaires proposaient des cours de science aux enfants.
Mais
après-tout, y a-t-il une quelconque raison valable d'enseigner la
science aux enfants ? N'est-elle pas réservée à une élite
d'intellectuels, à des personnes à l'intellect sur-développé
capable de résoudre les mystères insolubles de l'infiniment grand
ou l'infiniment petit, des équations mathématiques complexes, de la
manipulation génétique, des neurosciences ? L'apprentissage des
sciences est un travail de longue haleine mais nul besoin de devenir
spécialiste. Il ne s'agit pas uniquement de cumuler des
connaissances pointues mais simplement de s'imprégner d'une
véritable culture commune. Voici à mon sens les raisons pour
lesquelles, premièrement les sciences doivent être enseignées, et
deuxièmement à un âge des plus précoces, celui où l'enfant
questionne, s'interroge et découvre le monde.
La
raison probablement la plus évidente à l'enseignement des sciences
est l'ouverture de l'enfant sur le monde et sur lui-même. La science
est une ''paire de lunettes'' permettant de voir le monde sous un
certain angle. Ce n'est bien sûr pas le seul moyen de l'aborder,
mais c'est en tout cas le moyen le plus rationnel. Il n'est pas
question de soustraire à l'apprentissage de l'enfant l'émotion,
l'humanisme, la créativité, les arts, qui de toute façon ne sont
pas nécessairement opposés à une vision du monde à travers les
sciences, mais plutôt de se familiariser avec son environnement et
avec un monde de plus en plus scientifique et technique. Cette
ouverture sur le monde amène nécessairement à la découverte de
l'Autre, de la différence : l'autre en tant qu'individu, en tant
qu'être vivant, ou en tant que matière. Connaître les autres amène
à les comprendre et à les accepter, à définir sa propre identité
et sa place dans le monde.
L'acquisition
de connaissances brutes n'est cependant pas suffisante. Il est
nécessaire d'intégrer ces connaissances au sein d'une véritable
culture scientifique commune. Un socle commun de connaissances
fondamentales doit être défini et intégré dans l'enseignement
global. Il est ridicule d'imaginer l'enseignement des sciences
déconnecté de toute autre discipline. L'intégration des
connaissances scientifiques dans divers contextes et la création de
liens avec d'autres domaines variés, en d'autres termes la
multidisciplinarité, sont nécessaires à l'élaboration d'une
culture scientifique cohérente et pertinente. Elle doit permettre
d'aborder sereinement et de comprendre les grands enjeux du XXIe
siècle. Ce monde scientifique et technique dans lequel nous vivons
pose un certain nombre de questions dont il est important de
sensibiliser progressivement les enfants. Cela afin de leur permettre
de prendre des décisions pertinentes en toute connaissance de cause
dans leurs futures vies d'adultes.
George Charpak Prix Nobel de physique en 1992 |
Ces
quelques éléments de réponse à la question ''pourquoi ?'' ne nous
renseignent pas sur le ''comment ?''. À cela, des messieurs comme
Georges Charpak (Prix Nobel de physique en 1992), Pierre Léna et
Yves Quéré, tous membres de l'Académie des sciences, ont apporté
leurs réponses à travers la fondation La main à la pâte dont
je parlerai un petit peu plus tard. Pour eux, l'enseignement des
sciences ne peut se faire que par le questionnement, la formulation
d'hypothèses et l’expérimentation. Aucune raison de considérer
l'enfant comme une coquille vide que l'on emplit de connaissances
brutes mais bien comme un acteur de son apprentissage. Tout débute
par le questionnement, point de départ de toute recherche
scientifique. Laisser se développer la curiosité de l'enfant est la
clé d'un apprentissage réussi. Le professeur n'est plus là pour
donner les réponses, l'enseignement n'est plus vertical. Le
questionnement débouche sur la formulation des hypothèses à
travers lesquelles l'enfant s'exprime, laisse place à son
imagination parfois trop sous-estimée chez les scientifiques. Enfin,
les hypothèses formulées, il est temps de les vérifier. Pour cela,
un seul moyen : entamer une conversation avec la nature, car c'est
elle qui détient et transmet les réponses, à travers
l'expérimentation. Celle-ci doit rester la plus simple possible, la
plus tangible : pas question d'utiliser des oscilloscopes,
microscopes ou voltmètres ; l'instrumentation doit se limiter à de
la ficelle et un poids (pour un pendule), de l'eau et du sucre (pour
la dissolution), etc. L'enfant doit rester dans un univers familier
pour se sentir en confiance. Selon Yves Quéré, la science et
l'expérimentation constituent un langage qui permet de communiquer
avec la nature et qui se mêle à notre langage quotidien. Pour le
développer, il est nécessaire que l'enfant tienne un cahier
d'expériences qu'il rédige avec ses propres mots petit à petit au fil des
expériences. La description des choses reposent sur la science et on
compte sur elle pour nous dicter les événements futurs. On formule
alors des phrases qui se révèlent universelles dans l'espace et le
temps (''si je lâche un pomme, elle tombe.''). La science exige donc
un vocabulaire, un lexique et une syntaxe précis que l'enfant
pourra maîtriser. L'enseignement doit porter sur des thèmes
combinant mathématiques, physique, biologie mais aussi éthique,
histoire, géographie, langues et ainsi se créent des liens, des
connexions, des relations constituant une culture à part entière.
Pour
finir, quelques mots sur la fondation La
main à la pâte qui
m'a inspiré cette article et m'a poussé à étudier le sujet. Elle
a été fondée en 2011 par l'Académie des sciences, l'École
normale supérieure de Paris et l'École normale supérieure de Lyon,
et s'inscrit dans la continuité de l'opération du même nom initiée
en 1995 par George Charpak. Son objectif vise à faire découvrir aux
élèves les sciences de manière vivante et accessible, favoriser
leur épanouissement, lutter contre les inégalités et renforcer le
vivre ensemble. La fondation s'adresse prioritairement aux
enseignants et à leurs formateurs dont elle enrichit et valorise les
initiatives en France et à l'étranger. La vision de La
main à la pâte est
claire, elle cherche à promouvoir : une science vivante, une science
pour tous, une science pour vivre ensemble.
Source:
- École normale supérieure, Académie des sciences, École normale supérieure de Lyon (site consulté en octobre 2016). Fondation La main à la pâte. Adresse URL : http://www.fondation-lamap.org/fr
- Yves Quéré, Pourquoi et comment enseigner les sciences aux enfants, conférence donnée dans le cadre des Mardis de l'Espace des sciences, 20 octobre 2009.